La cigale et la fourmi
La nouveauté fiscale de l’an 2019 pourrait déconcerter les couples et leurs arrangements financiers établis parfois depuis plusieurs années. Avec le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, la question de l’argent que les partenaires croyaient avoir réglée, refait surface.
L’on comprend que cette nouvelle loi fiscale réactive certaines crispations dans les foyers, surtout si le sujet de l’argent y était jusqu’alors éludé, parfois sciemment. En effet, comment parler d’argent quand on s’aime ?
L’argent véhicule une lourde charge symbolique et fait surgir entre les partenaires des différences quelquefois difficiles à assumer, qui mettent l’un ou l’autre en posture d’infériorité : études, métier, salaire… Il éveille chez chaque individu des sentiments très personnels. Tour à tour plaisir, sécurité, pouvoir… Chez chacun, il questionne les valeurs propres : l’argent me renvoie-t-il à mon côté économe et égoïste comme la fourmi de la célèbre fable, qui ne compte que sur elle-même ? Ou bien me met-il devant mon aspect rêveur, insouciant et généreux de la cigale, qui, elle, sait profiter du temps présent ?
Monsieur de La Fontaine, songiez-vous aux conflits conjugaux lorsque vous couchâtes ces rimes sur le papier ?
Et si cette disposition fiscale offrait l’occasion aux couples de faire un point sur la place de l’argent dans leur relation conjugale ? Sans toutefois tomber dans le règlement de comptes, saisissons cette opportunité de lister en couple les dépenses considérées comme essentielles à l’épanouissement de chacun ainsi que les moyens à disposition pour répondre à ces besoins essentiels. Répertorions nos plus grands rêves (acheter une maison, payer des études de qualité à nos enfants, se préparer une retraite heureuse…) et aussi nos plus grandes peurs au sujet de l’argent. Mettons en mots avec notre conjoint une stratégie qui permette à chacun de réaliser ses besoins essentiels. Tirons également les conséquences de nos comportements financiers passés, pour bâtir ensemble un « business plan » acceptable pour l’un comme pour l’autre, en dépit des frustrations qui naissent inévitablement de l’ajustement à l’autre. C’est une piste de travail grâce à laquelle cigale et fourmi pourraient résoudre ensemble les tensions nées de leur irréductible différence.
Maud Chabert d’Hières, conseil conjugal à Chambéry