Question de place
Quand j’étais enfant, je me questionnais déjà beaucoup sur la place que chacun occupait. Moi, j’étais « au milieu », avec trois grands dessus, deux petits dessous, sans parler du chamboule-tout de la nouvelle famille recomposée ! J’ai donc longtemps cherché comment me sentir « à ma place » et je me dis souvent aujourd’hui que cela m’aide beaucoup pour exercer mon métier de conseillère conjugale et familiale.
Ainsi, quand je reçois un couple ou une personne, je reste à ma place, pas vraiment « au milieu » mais plutôt « autour » de ce qui se dit et se vit pendant l’entretien. Avec un regard neuf, une écoute et une attention de chaque instant pour chacun, dans la bienveillance et le non-jugement autant que possible. Une place de choix qui permet à la fois de contenir et de voir les choses autrement.
Je veille aussi à porter mon attention sur la place que chacun occupe dans sa famille ou dans le couple : la place que je laisse à l’autre, la place à faire quand un enfant arrive, la place du couple dans la famille, la place des belles-familles, la place que prend le travail. Ce que les uns ou les autres mettent en place pour se débrouiller avec la vie ou pour montrer qu’ils existent quand leur place a été oubliée.
Je pense à ce couple venu récemment : Madame a si bien géré la maison, les enfants, son travail, sa dernière grossesse « surprise » et même la récente maladie grave de son mari (qu’elle a voulu épargner en prenant encore un peu plus sa place) qu’aujourd’hui elle vient me voir parce qu’elle ne comprend pas, avec tout ce qu’elle a fait, pourquoi il est parti voir ailleurs où, justement, elle n’était pas !
Je pense à cette jeune fille qui me raconte son enfance maltraitée et qui a trouvé dans la nourriture le seul réconfort possible, et dans les kilos en trop sa façon à elle d’exister.
Je pense aussi à cette future jeune maman, tellement fière d’exhiber son ventre au 7e mois de grossesse après l’avoir si bien caché. Depuis qu’elle a réussi à dire à ses parents qu’elle attend un enfant, le bébé a compris qu’il pouvait enfin prendre sa place dans le ventre de maman et dans la lignée familiale.
Je pense à tous les disparus dont on n’a pas su ou pu faire le deuil et qui finissent par prendre trop de place dans le présent. Dans les entretiens nous leur faisons parfois une place pour mieux les laisser partir.
Et puis il y a tous ceux qui demandent : Si vous étiez à ma place que feriez-vous ?
Je peux proposer alors d’interchanger les places où nous sommes assis, y compris la mienne, pour avoir un autre « point de vue », comprendre que chaque place est différente. Cela permet aussi de faire bouger, de mettre en mouvement ce corps, trop souvent oublié lui aussi.
Puis chacun revient à sa place, en appréciant de la retrouver, après ces petits dé-place-ments qui vont aider à mieux trouver sa « juste » place.
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