Vive la Reine !
J’ai reçu récemment une jeune femme avec ses deux petites filles. Elle portait un joli foulard et un sourire qui faisait ressortir ses yeux noirs. Elle avait un petit sac à main en bandoulière et semblait heureuse d’être là.
Elle est venue en cachette de son mari, plus âgé qu’elle, qui ne veut pas qu’elle sorte, qu’elle parle aux voisines, qu’elle voit sa seule et unique amie. Il lui interdit aussi de porter un pantalon, ne lui donne pas d’argent, et veut toujours savoir ce qu’elle fait en l’appelant quand il est au travail.
« Parfois il crie fort et peut s’énerver beaucoup » me dit-elle
Ce n’est pas forcément à elle que l’on pense quand on entend parler des violences conjugales. Leila ne fait pas de bruit et tâche de faire du mieux qu’elle peut pour être à la hauteur de ce pays, la France, dont elle a tant rêvé pendant son adolescence.
La rencontre avec son mari, tellement gentil au début, a rendu ce rêve possible. Mais à l’arrivée en France, au bout d’un voyage difficile, une cage étrange s’est refermée sur elle. Au début, elle n’a pas bien compris ce qui se passait… pourquoi il avait tellement changé ? Est-ce que c’est elle qui ne faisait pas ce qu’il fallait ? Est-ce que la barrière de la langue pouvait à ce point la rendre dépendante et l’enfermer au pays de la liberté ? Pourtant Leila s’est pliée aux exigences de son mari, en attendant que ça lui passe et en volant quelques instants de légèreté en faisant ses courses. Elle y apprenait toute seule à déchiffrer le français.
Et puis la naissance des filles est venue ouvrir d’autres petites ouvertures sur la vie extérieure : le suivi des grossesses, la maternité, le centre de PMI (Protection Maternelle et Infantile), puis la maternelle pour la plus grande.
Quand on lui demandait si tout allait bien, elle répondait toujours oui… parce qu’elle était déjà tellement heureuse d’être là pour ses rendez-vous, pour lesquels elle se faisait belle et où l’on prenait bien soin d’elle.
À la fin de notre entretien, les jolis yeux noirs étaient remplis de larmes car cette fois-ci Leila n’a pas pu répondre que tout allait bien. Entre sourires et larmes elle me confie :
« Quand je suis avec mon mari, ou si je rentre au pays sans lui, je ne suis rien. Pourtant en France je suis bien traitée, ici je me sens comme une reine ».
En 2021, je souhaite que Leila puisse porter fièrement sa couronne pour la transmettre plus tard à ses petites princesses.
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